L’histoire d’Hector n’est pas une histoire classique d’achat ou d’adoption de chien mûrement réfléchie. Nous n’en avons pas parlé en famille des heures durant, nous n’avons pas acheté son petit « kit de départ » deux semaines en avance et n’avons pas regardé avec amour les photos de l’éleveur pendant deux mois jusqu’à ce que notre chiot tant attendu arrive à la maison. Non, Hector a été adopté sur un coup de tête, à six semaines parce que c’est à cet âge-là que la famille dans laquelle il est né l’a proposé en adoption*. Nous n’avons pas « choisi » Hector, c’est le destin qui l’a mis sur notre route. Il est arrivé un dimanche matin froid de janvier, il faisait -40º dans le Grand Nord québécois, et Hector n’avait jamais mis les pattes dans une maison. Ironique, quand on sait qu’il vit aujourd’hui dans un condo en plein Montréal. Les six premières semaines de sa vie, il les a passées dehors, collé à sa mère et à ses frères et soeurs dans la neige de Kuujjuaq. C’est tout ce que je sais de lui de sa vie « avant moi ».
Quand mon ami l’a déposé dans le salon de ma maison de Kuujjuaq, je n’avais rien pour lui. Aucun lit, coussin, jouet, collier, laisse, pas même de la nourriture. J’ai couru jusqu’à l’épicerie pour acheter un petit kit de départ. Son premier collier était un collier de chat, car c’était la seule chose disponible en rayons. Le choix de nourriture dans le Grand Nord n’est pas celui de la ville. Je lui ai donc pris une nourriture cheap, en espérant que cela irait, le temps de mon retour en ville, prévu deux semaines plus tard. Une amie m’a donné quelques jouets que son chien n’utilisait plus, une autre m’a prêté une cage pour lui faire une maison douillette, une autre m’a donné quelques serviettes et couvertures. La légendaire entraide du Nord s’est une fois de plus vérifiée lorsque Hector est entré dans nos vies.
Mais aujourd’hui, plusieurs mois après, si je devais adopter un chien, je ferais les choses évidemment très différemment. Et voici les conseils que je me donnerais à moi-même…
Privilégier une adoption en refuge
Il y a TELLEMENT de chiens qui attendent en refuge. Tellement de chiens qui ne veulent que de l’amour. Tellement de chiens qui ne demandent qu’à apprendre et à être stimulé. Alors bien sûr, ça implique d’accepter que ce chien-là a une histoire (généralement pas très drôle), éventuellement des (mauvaises) habitudes, des troubles du comportement (anxiété, réactivité, etc.) ou des maladies chroniques, mais parfois, cela n’a pas d’importance tant l’alchimie fonctionne. Et c’est ainsi que naissent de belles histoires d’amour humain-chien. Si demain je devais adopter un nouveau chien, je choisirais vraisemblablement un chien de refuge et me ferais accompagner d’un(e) éducateur/trice canin pour être sûre de partir du bon pied avec lui.
Je ferais sans doute mes recherches sur le site des Pattes Jaunes, le plus grand répertoire francophone d’animaux à adopter au Québec. Ils ne relayent les informations que des refuges éthiques.
L’importance des refuges et éleveurs éthiques
Je m’assurerais deux fois plutôt qu’une que le refuge choisi est vraiment éthique et responsable, qu’il respecte les animaux dans leurs limites, qu’ils n’utilisent pas de méthodes coercitives et/ou violentes. La préoccupation devrait être la même pour les élevages. L’éleveur que l’on choisit devrait toujours être membre du Club Canin Canadien. Lorsque l’on achète un chiot, cela doit absolument venir avec des garanties.
Démarrer rapidement le cours de maternelle (lorsqu’il s’agit d’un chiot)
Le cours de maternelle est, selon moi, absolument indispensable pour tout propriétaire de chiot. Au-delà de nous apprendre a créer la meilleure des relations entre nous et notre chiot, il permet surtout de commencer à comprendre son langage, tout en le socialisant auprès d’amis-chiens du même âge. Là encore, on trouve de tout (et parfois du n’importe quoi) en matière d’éducation canine. Je ne saurais que préconiser le choix d’éducateurs qualifiés travaillant avec des méthodes positives. Le site du Regroupement québécois des intervenants en éducation canine permet de sélectionner uniquement des intervenants éthiques (méthodes respectueuses, à jour, et basées sur la science). À noter : tous les bons éducateurs ne font pas nécessairement partie de ce regroupement.
Faire un check up chez le vétérinaire
La base de la base. Quand un chien arrive dans la famille, lui faire faire un petit tour chez le vétérinaire pour s’assurer qu’il va bien est tout à fait indispensable. Le vétérinaire recommandera les vaccins et vermifuges qui s’appliquent au chien, voire même de micropucer l’animal. Depuis le 1er janvier 2020, la micropuce est d’ailleurs obligatoire, et selon moi, c’est une très bonne chose (lorsqu’un animal s’égare mais également lors des cas de vols d’animaux). Je l’ai fait pour Hector lorsqu’il avait 4 mois, car nous partions en vacances en Europe et que c’était obligatoire pour voyager. Il a pleuré lorsque la micropuce a été placée (dans sa nuque) et entre nous, ce fut 100% brise-coeur, mais c’est un court et désagréable moment à passer. Deux minutes après, il voulait jouer de nouveau. Je suis aujourd’hui très rassurée de le savoir micropucé.
En ce qui concerne le choix de la clinique vétérinaire, c’est loin d’être évident. Durant la première année de vie d’Hector, j’en ai testé pas loin de cinq… Mais j’ai aujourd’hui trouvé LA clinique parfaite.
Anticiper au maximum les absences
Ce conseil s’applique, que le chien soit bébé ou déjà adulte. Débarquer dans un nouvel environnement, c’est loin d’être évident. L’humain devient alors le repère #1 du chien, et quand on s’absente, cela peut être relativement problématique pour l’animal, notamment au début. Il faut donc habituer le chien à rester seul de façon très progressive pour que cela ne devienne pas un problème sur le long terme.
Travaillant de la maison, Hector n’est pas souvent seul. Mais quand c’est nécessaire, cela n’est pas problématique car j’ai eu le temps et l’opportunité de le faire progressivement : 15 min au début, puis 30 min, puis 1h, 2h, 4h, etc. J’avais également un système de caméra de surveillance (sur mon laptop), relié à mon cellulaire. Je pouvais donc voir ses réactions et le « surveiller » lorsque je m’absentais. À chaque absence, je laissais un jouet interactif à Hector avec de la nourriture. Bébé, il avait si hâte de recevoir son Kong au beurre de peanut, qu’il ne levait même pas les yeux vers moi lorsque je passais la porte d’entrée. Une fois ses jeux interactifs terminés, il s’endormait, épuisé par son intense activité mentale. Ainsi, Hector a toujours associé mon absence a quelque chose de positif. Il a rarement pleuré. Et si cela arrivait, je voyais en l’observant par caméra de surveillance, que ça ne durait jamais plus que quelques minutes. Aujourd’hui adulte, Hector est toujours aussi serein lorsque nous partons. Je continue néanmoins à lui laisser un jouet interactif lorsque je m’en vais, la fameuse « balle surprise » ; j’en parle dans mon article sur les Jeux maison faciles à faire pour occuper son chien à l’intérieur.
Si j’avais eu à travailler à l’extérieur de la maison (comme vraisemblablement 80% des propriétaires de chiens), j’aurais très certainement pris une semaine de vacances suite à l’adoption, afin de lui apprendre la solitude progressivement durant cette semaine-là. J’aurais également, par la suite, fait appel à un service de promeneurs pour qu’Hector ait une sortie à la mi-journée. Un chiot de 2-3 mois ne peut pas se retenir longtemps de faire pipi. Et cette routine l’aurait sans doute également rassuré. Évidemment, cela a un coût. Mais faire d’un chien un chien bien dans ses pattes a un coût, quoi qu’il arrive. Quel coût ? J’en parle également dans cet article : Un chien, ça coûte combien ?
La clé d’une absence réussie, c’est de garder son chien occupé. Si le chien a des choses à faire suffisamment intéressantes à ses yeux, il ne pensera pas à détruire les meubles ou les chaussures qui traînent. Cela nécessite une véritable anticipation de la part de l’humain ; de mon côté, je préparais des jouets interactifs remplis de nourritures, et je les mettais au congélateur à l’avance, afin d’en avoir toujours « en stock » pour les départs précipités.
Dans le cas où le chien ne regarde même pas son jouet interactif, pleure, hurle, détruit ou même s’automutile, il pourrait s’agir d’un cas d’anxiété de séparation. Cela peut se régler grâce à un bon intervenant canin, qui mettra sur pied un plan d’intervention. À noter : si cela est désagréable pour l’humain, ça l’est d’autant plus pour le chien qui vit un intense moment de détresse… C’est pour cette raison qu’il ne faut pas tarder à consulter, pour le bien-être de son animal.
Pour en savoir plus sure l’anxiété de séparation et pour planifier une éventuelle rencontre avec des spécialistes en la matière, suivez la page Facebook des Anxieuses.
Respecter le rythme du chien et mettre en place une routine
La plus grosse erreur que j’ai faite lorsque Hector était bébé, ce fut de trop lui en demander. J’avais tellement peur qu’il s’ennuie, qu’il n’en fasse pas assez, que sans le vouloir, je l’ai totalement surstimulé (j’en parle davantage dans cet article). Le jour où je l’ai compris, j’ai mis en place une routine. Cela peut sembler très « horaire militaire », mais cela m’a beaucoup aidée pour organiser mes journées de travail (puisque je travaille de la maison). Je suis assez certaine que cela l’a considérablement aidé aussi à apprendre à se reposer de lui-même et à mieux comprendre qu’il y a des moments où l’on joue et des moments où l’on se repose. Puisque c’était un chiot et que les chiots ont besoin de dormir énormément, nous faisions :
🦮 15 min de promenade en laisse
🐾 15 min d’obéissance (apprentissage des commandes de base) et de jeux (tub, balle, toutou, etc.)
🦴 30 à 45 min de repos à gruger un os
💤 1h à 1h30 de sieste
🔄 Puis on recommençait.
Aujourd’hui, Hector est un chien adulte qui est totalement l’inverse de la tornade qu’il était bébé. Nous n’avons plus besoin de la routine depuis l’adolescence, et à partir de l’âge d’un an environ, j’ai réellement vu un vrai changement. Hector est tout simplement devenu un parfait « chien de condo » et compagnon de télétravail. Il sait que lorsque je suis à mon bureau, ce n’est pas le temps de venir réclamer de l’attention. Il se repose ou joue tout seul. Pour arriver à cela, il a bien sûr fallu beaucoup d’investissement en temps, de la patience et de la persévérance. Il faut également s’assurer que tous ses besoins sont répondus quotidiennement, autant ses besoins hygiéniques que ses besoins de stimulation (jeu, exercice physique, stimulation mentale, etc.)
Explorer le quartier en douceur
J’ai l’immense chance d’avoir un chien facile, affectueux avec tout le monde, peu voire pas du tout réactif envers les chiens, humains, bruits de la ville, et super curieux en ville de tout ce qui l’entoure.
Si j’adoptais demain un nouveau chien adulte, j’irais bien entendu à son rythme pour ce qui est des promenades en ville. Il y a beaucoup de bruits, beaucoup de stimulations, souvent beaucoup de monde, et si l’on se met à la place d’un chien qui n’y a pas été habitué, ça peut être légèrement traumatisant.
Pour les Montréalais, nous avons la chance d’avoir de nombreuses ruelles à découvrir avec nos chiens. L’environnement y est plus calme, il y a mille et une choses à renifler pour nos amis canins, et on y croise bien moins de monde que sur les artères très passantes. J’adore m’y promener avec Hector, et c’est devenu un jeu pour moi de découvrir les nouvelles ruelles d’Hochelaga. J’essaye d’alterner entre ruelles calmes et rues plus achalandées pour qu’Hector reste habitué au monde et au bruit, parce que malheureusement, c’est ça la vie en ville.
Y aller doucement avec le parc à chiens
Tout s’est toujours bien passé au parc à chiens pour Hector, jusqu’à ses 9 mois, environ. Un matin, il s’est fait attaquer au parc à chiens de notre quartier, il en a gardé une belle trace de morsure au museau durant plusieurs semaines. J’ai mis environ 6 semaines à y retourner. J’ai vraisemblablement été plus traumatisée que lui, car Hector adore toujours autant le parc. Il est friendly avec tout le monde, et c’est un grand joueur, capable de faire jouer des chiens qui, aux dires de leurs propriétaires, « ne jouent pourtant jamais ».
Nous avons commencé à aller au parc à chiens de notre quartier quand Hector avait 3 mois. Nous y allions rarement (une fois aux deux semaines), et pour de courtes durées à l’époque (maximum 20 minutes). Dès qu’un chien commençait à jouer trop rough avec lui et qu’Hector semblait « pas sûr », on partait, afin que son expérience du parc reste majoritairement positive (on partait en étant enjouées, et non pas paniquées ou stressées qu’un chien ait joué rough – rien de pire pour transmettre notre stress au chien). De mauvaises rencontres sont déjà arrivées (chiens trop intenses ou réactifs) mais nous réagissions sur l’instant et faisions en sorte de trouver la solution pour que cela reste une expérience positive (souvent juste quitter les lieux). En parallèle, Hector est allé régulièrement en pension ; d’abord une journée, puis une fin de semaine, jusqu’à quatre semaines plus récemment. Il a donc toujours interagi sur une base régulière avec des chiens.
Le problème des parcs à chiens, c’est qu’on ne sait jamais sur qui on tombe, chiens comme humains. Et cela s’applique à tous les parcs, il n’y a pas vraiment d’exception… Il y a ceux qui ne checkent pas leur chien et qui passe leur temps sur leur cellulaire ou à jaser assis sur un banc, ceux qui ne savent pas lire le langage canin et qui interprètent mal les comportements de leur animal ou des autres chiens, et il y a ceux qui ne respectent pas les règles élémentaires, pourtant primordiales lorsque des chiens plus réactifs/anxieux sont présents (flatter le chien sans demander, sortir des jouets ou de la nourriture, etc.).
Anecdote : Alors qu’Hector avait 7 ou 8 mois, nous sommes allées au parc à chiens du Parc Jarry. À notre arrivée, un chien s’est mis à agresser (grognement, dents, jappements) Hector sans raison humainement apparente. J’ai rappelé Hector et nous nous sommes dirigés vers l’autre côté du parc, loin de ce chien et de son humain, qui ne faisait rien d’autre que de dire « arrête », tout en restant assis à bavarder avec son voisin (hashtag exaspération suprême). Le chien a continué en nous suivant, et nous avons essayé d’intervenir (mais ce n’était pas à nous de le faire puisque nous ne connaissions pas ce chien). Son humain nous a dit « Ha mais votre chien n’est pas castré ! ». Nous lui avons répondu que non, pas encore. Sa réponse : « Ha ben c’est pour ça ». C’est pour ça quoi ? Que ton chien soit réactif, c’est correct. Mais ce n’est pas parce que TON chien est réactif que je vais castrer MON chien de façon prématurée (à l’époque des faits, l’obligation de stérilisation avant 6 mois n’était pas en vigueur sur l’île de Montréal, NDLR). Hector revenait tout juste de 3 semaines en camp de vacances, passé avec d’autres chiens castrés ou non-castrés comme lui, cela n’a jamais été un problème, m’a assuré le propriétaire du camp. L’homme est resté sur son banc, son chien a continué à agresser d’autres chiens ; femelles, mâles, castrés, non-castrés. Sans nul doute, ce monsieur a passé un très bon moment à discuter paisiblement pendant que son chien (et les autres autour) trippaient moyen, on va se le dire.
Si j’avais adopté un chien adulte, réactif ou anxieux au contact des autres chiens, il est absolument certain que j’aurais fait appel à un éducateur canin qualifié, afin de mettre en place un plan d’intervention adapté. Je ne me garocherais certainement pas dans le premier parc à chiens venu pour qu’il puisse « dépenser son énergie », alors qu’en réalité, il passera surtout un moment de stress certain, tout en dérangeant/stressant les autres qui n’ont rien demandé. Il y aurait tellement mille autres options pour faire dépenser son énergie à mon chien-rescue-imaginaire en toute sécurité, pour lui et pour les autres. Je ne dis pas que les chiens anxieux ne devraient jamais aller dans les parcs à chiens, juste que dans ce cas-là, leurs humains devaient être responsables. Et être responsable, ce n’est pas rester assis sur un banc, les bras pliés derrière la nuque en baillant en attendant que ça passe.
Pour clore cet article qui ne saurait être exhaustif, adopter un chien est, à la base, un don de soi, que celui-ci soit bébé ou déjà adulte. Adopter un chien en ville demande encore plus de dévouement, de patience, d’écoute, de compréhension et d’adaptation. Les bonnes solutions ne sont pas toujours les plus faciles ou évidentes (exemple : le parc à chiens). Chaque chien a le droit à une attention particulière et à un « traitement sur-mesure ». Car chaque chien est différent, mais chacun d’eux est capable de créer, à terme, un lien absolument unique avec son humain. Et c’est bel et bien cela qu’il faut garder en tête.
*Dans le Nord, il n’y a pas de vétérinaire. Il n’y a pas de route non plus pour se rendre dans une région voisine, qui aurait, elle, un vétérinaire. Le Nord est une région isolée, accessible seulement en avion, ce qui explique la surpopulation canine et les portées non désirées dans les familles inuit.
Hector était en laisse sur cette photo. Elle a été « gommée » pour des raisons esthétiques.